Accéder aux données ESG

Les difficultés d’accéder à des données ESG fiables continuent à décourager l’intégration des facteurs ESG dans le processus d’investissement. Le recours à une approche en architecture ouverte peut constituer une solution.

L’intégration des facteurs ESG dans le processus d’investissement s’accélère. Cependant, les difficultés d’accès à des données ESG fiables continuent de freiner sa progression. Le recours à une approche en architecture ouverte peut constituer une solution.

Dans le paysage de l’investissement, peu de domaines évoluent aussi rapidement que l’investissement environnemental, social et de gouvernance (ESG) et responsable.

Alors que les mises en garde des scientifiques sur le changement climatique prennent de l’ampleur, le rôle majeur que le secteur financier a à jouer dans la transition suscite de plus en plus d’intérêt. En conséquence, les investisseurs institutionnels accélèrent leurs investissements visant à générer des bénéfices ESG mesurables. Selon une étude menée par Bloomberg Intelligence, le volume mondial des actifs ESG sous gestion augmentera d’environ 9 000 milliards de dollars entre 2022 et 2025, dépassant les 50 000 milliards de dollars (ce qui représenterait plus d’un tiers des actifs mondiaux sous gestion selon leurs projections).

Le kaléidoscope des données ESG

Malgré la croissance du marché, les défis existants continuent de freiner cette progression. Dans notre dernière Enquête mondiale ESG de BNP Paribas, les données restent le principal obstacle à l’intégration des facteurs ESG, notamment les questions relatives à la cohérence et à la qualité des données ESG.

Contrairement aux indicateurs financiers traditionnels, les facteurs ESG peuvent être interprétés de différentes manières et sont, par nature, plus difficiles à quantifier. Ce dernier aspect est particulièrement vrai pour le pilier social, qui reste le plus difficile à analyser et à intégrer selon 51 % des investisseurs[1]. Par conséquent, la corrélation entre les notations des principaux fournisseurs s’est révélée être relativement faible. L’une des raisons à cela est le prisme à travers lequel la dimension ESG est évaluée. Par exemple, les agences de notation se concentrent généralement sur le risque financier basé sur l’exposition aux facteurs ESG, par opposition à l’impact, c’est-à-dire l’alignement d’une société sur des résultats ESG.

La faible corrélation peut également découler de la méthodologie de base utilisée pour recueillir les informations sur les sociétés. Par exemple, le recours à des sources déclaratives telles que le rapport annuel des sociétés par rapport à des sources externes, ou l’utilisation de technologies de traitement du langage naturel pour extraire du contenu de sites web et d’articles de presse par rapport à une analyse humaine. Par ailleurs, la définition des catégories (ce qu’impliquent réellement E, S et G) n’est pas standardisée, ni les pondérations et tables de matérialité utilisées pour déterminer une note.

Si un certain nombre d’initiatives réglementaires et de marché sont en cours pour standardiser les définitions, les informations et les mesures ESG, de par la nature particulière du concept d’ESG, il est peu probable que nous disposions prochainement d’un cadre universellement convenu de définitions et de mesures des facteurs ESG.

Au lieu de cela, les investisseurs institutionnels qui cherchent à contrôler leurs investissements et surveiller leurs progrès par rapport à leurs objectifs, utilisent et comparent de multiples sources de données et mènent leurs propres recherches pour obtenir une vision équilibrée de leurs investissements et éviter une dépendance excessive vis-à-vis des fournisseurs externes.

Compte tenu de l’ampleur et de la diversité du concept d’ESG, il n’existe aucune approche uniforme.

explique Amandine Leroy, Product Manager chez Manaos, une marketplace de données lancée par le Métier Securities Services de BNP Paribas qui connecte les clients à un vaste éventail de fournisseurs de données ESG et de fintechs.

« Par conséquent, nous voyons une multiplication du nombre de fournisseurs de données ESG, actuels comme nouveaux, qui se spécialisent dans différentes approches. Pris séparément, aucun fournisseur ne peut couvrir l’ensemble des thématiques. Mais en les utilisant ensemble, il est possible d’obtenir une vision beaucoup plus globale de la nature durable d’un portefeuille. »

Même si l’exploitation de sources multiples peut aider à offrir une vision équilibrée et à atténuer les problèmes de cohérence, atteindre cet objectif par le biais de modèles de données traditionnels de type build or buy, peut être un exercice coûteux en temps et en argent. Ces configurations peuvent également montrer des limites quant à leur capacité à ajouter facilement de nouveaux jeux de données dans le modèle opérationnel lorsque ceux-ci deviennent disponibles.

Cela peut conduire à un redoutable entremêlement de sources de données devant être agrégées et synthétisées au niveau d’un portefeuille ou même d’un actif pour donner une vision précise. C’est là qu’une approche en architecture ouverte a un rôle croissant à jouer.

Exploiter des modèles de données ESG en architecture ouverte

Pour accélérer l’intégration des facteurs ESG de manière pratique et crédible, il est clair que les investisseurs doivent avoir accès à des données ESG variées et fiables le plus rapidement possible et à moindre coût. Maillon essentiel de la chaîne de valeur ESG des investisseurs institutionnels, ce fut l’un des principaux moteurs du lancement par BNP Paribas de sa plateforme Manaos.

Un objectif majeur consistait à éliminer le point de friction existant entre l’identification des données pertinentes et leur intégration efficace dans le processus d’investissement. Concernant Manaos, nous avons pensé que le meilleur moyen d’y parvenir, était une solution « plug-and-play », qui offrirait aux investisseurs institutionnels un accès à un univers croissant de données et de fournisseurs ainsi qu’à des capacités d’agrégation, d’analyse et de reporting, le tout au sein d’une plateforme unique. Nous appelons cette approche « Open-ESG ».

précise Amandine

Cette approche offre une expérience de type app store pour les données ESG. Le modèle peut être personnalisé et adapté sans les contraintes de pré-configuration et de dépendance de configuration des infrastructures ESG traditionnelles. Les investisseurs institutionnels peuvent accéder à des analyses regroupées sur différents thèmes, qu’ils peuvent utiliser pour des notations indépendantes ou comme base d’une analyse exclusive. Il est ainsi possible d’obtenir une vision globale des investissements plus rapidement, réduisant ainsi le temps d’intégration et les coûts.

« Dans notre démarche de démocratisation des données ESG, l’accessibilité, du point de vue des coûts, était également très importante pour nous », poursuit Amandine. « En optant pour une approche freemium du modèle de tarification, les investisseurs institutionnels de toute taille ont la possibilité de tester ce qui est disponible sans l’acheter dans un premier temps. Ils peuvent ensuite choisir d’adapter leur modèle selon leurs besoins, en ajoutant des services ou des analyses supplémentaires. »

Manaos compte actuellement plus de 30 applications disponibles sur sa plateforme, et d’autres sont en préparation. Parmi les partenaires actuels, figurent des noms bien connus comme S&P Global Sustainable1, Solutions ESG de Moody’s, CDP et Clarity AI, mais aussi des acteurs plus spécialisés tels que Util (axé sur les Objectifs de développement durable des Nations Unies), Greenomy (Taxonomie de l’UE/reporting SFDR) et OWL ESG (notations convenues entre différents fournisseurs/méthodologies). Manaos compte aussi plusieurs applications exclusives visant spécifiquement à simplifier la gestion des données à travers différents portefeuilles et formats. Par exemple, ses applications de Collection et de Dissémination permettent aux investisseurs d’échanger, d’harmoniser et d’obtenir la transparisation des inventaires de fonds.

Manaos a également lancé une nouvelle application destinée à aider les gestionnaires d’actifs concernant les exigences EET (European ESG Template). Le modèle, conçu par Financial Data Exchange (FinDatEx), enregistre les caractéristiques ESG d’une gamme de fonds dans un format standardisé, qui peut ensuite être diffusé aux distributeurs. Si l’EET n’est pas une exigence réglementaire en tant que telle, le modèle facilitera la conformité avec les futures exigences réglementaires prévues par le règlement SFDR, la Taxonomie de l’UE, MiFID et la Directive sur la distribution d’assurances (DDA).

L’amélioration plutôt que la perfection

L’absence de standardisation au niveau des données et informations ESG reste un enjeu pour l’investissement durable. Néanmoins, les investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs doivent faire de leur mieux avec les outils et structures mis à leur disposition, même s’ils sont loin d’être parfaits, pour suivre le rythme des exigences croissantes des investisseurs et des réglementations. Pour ce faire, nombre d’entre eux adoptent une vision globale de leurs portefeuilles en recourant à des sources de données multiples et en conduisant leurs propres analyses. C’est là que les modèles en architecture ouverte ont, selon nous, une place grandissante à prendre, car non seulement ils permettent aux investisseurs d’accéder facilement à des informations ESG fiables et de rendre compte du caractère durable de leurs investissements, mais ils s’adaptent également à l’évolution du marché.

*Manaos est une plateforme du Métier Securities Services de BNP Paribas



[1] Enquête mondiale ESG BNP Paribas de 2021