La Commission européenne a prévu de faire passer le délai pour les cycles de règlement sur les marchés de deux à un jour ouvré. Une modification effective en 2027, mais dont les bouleversements sont à anticiper aujourd’hui, pour assurer demain l’efficacité des transactions.
Certes, le règlement-livraison à T+1 est déjà en vigueur sur de très grands marchés, notamment les Etats-Unis. Le métier Securities Services de BNP Paribas a d’ailleurs intégré cette évolution dans ses activités locales, une transition qui s’est opérée de manière fluide notamment grâce à un fort travail d’information et d’anticipation des conséquences de ce changement auprès des clients.
Il ne faudrait cependant pas en déduire que le passage à un cycle T+1 en Europe sera en tout point similaire à ce que nous avons observé outre-Atlantique. « Les spécificités structurelles du marché européen sont un atout pour nos marchés, auxquelles s’ajoutent des particularités françaises ainsi que d’autres pays en Europe. Mais cette richesse va devoir être prise en compte dans le déploiement de T+1 », prévient Gaël David. Head of Custody Solutions and Products France chez Securities Services, il fait partie des experts impliqués depuis le début des discussions sur l’application de T+1 en Europe.
Déployer T+1 au sein d’un écosystème unique
Le fonctionnement des marchés européens a été pensé par les régulateurs pour favoriser leur efficacité, leur compétitivité et la multiplication des échanges. Cela s’est traduit par la coexistence d’institutions similaires : en Europe, il y a ainsi plusieurs chambres de compensation en activité. La cohabitation de places et d’acteurs est une source d’opportunités, permettant aux titres d’être multi-listés, multi-déposés. Cela a aussi favorisé le développement de l’activité d’emprunt de titres.
A cela s’ajoute une autre singularité. La chaîne de valeur dans l’exécution des ordres implique un nombre d’acteurs et d’échanges d’informations supérieur à ce qui se fait sur le marché américain. Ce dernier fonctionne selon un système dit d’affirmation, qui repose sur le rôle du dépositaire central. L’Europe, elle, compose notamment avec plusieurs CSD interconnectés.
« Le passage à T+1 va avoir un impact sur tous ces acteurs, et ce dès le passage d’ordre. La réduction du temps alloué aux opérations va impliquer un travail préparatoire et une rapidité d’exécution à chaque étape de la chaîne de valeur », explique Gaël David. En effet, selon les règles et horaires applicables à ce jour sur le marché européen, un passage à T+1 imposera en réalité de réaliser les traitements nécessaires en 3 heures effectives. Avec un règlement à T+2, le délai est aujourd’hui de 27 heures. « Ce n’est pas impossible, mais cela va demander d’importants ajustements techniques et opérationnels chez toutes les parties prenantes. »
Des répercussions à anticiper
Agir dans un temps contraint ne laisse aucune place à l’erreur ou à l’approximation. « La qualité des informations transmises et échangées, dès le passage d’ordre, sera une condition indispensable, sous peine de ne pas réussir à effectuer le règlement-livraison à temps. Le passage à T+1, c’est finalement un enjeu crucial de communication fiable entre tous les acteurs de marché : gestionnaire d’actifs, broker, chambre de compensation, compensateur, conservateur, … », insiste Gaël David.
Les multiples chaînes de traitement de l’information devront être traversées le plus rapidement possible, afin de laisser un délai d’ajustement en cas de problème. D’autant que, si les règles européennes ne changent pas, tout retard de livraison est passible d’une pénalité. « Face à ces défis, il y aura une part d’ajustement technique. Il ne faut cependant pas sous-estimer la transformation organisationnelle du travail que cela va nécessiter. L’automatisation ne sera pas la réponse à tout », tient à alerter l’expert. Les acteurs concernés doivent se rapprocher de leur conservateur pour mettre en place les solutions adéquates pour permettre l’envoi accéléré des instructions, la gestion des positions et le change automatique.[1]
Securities Services, qui accompagne ses clients dans cette transition d’ampleur, anticipe également une autre série d’ajustements. Au-delà du monde des actifs, T+1 va aussi impacter l’univers des fonds. Il risque en effet de complexifier le calcul de la valeur liquidative des parts des fonds et des ETF. Pour tenir les délais en vigueur, ce calcul devra être fait pendant la nuit. « Les sociétés de gestion commencent à s’interroger sur des points importants. Certains fonds sont par exemple distribués sur des créneaux horaires très précis. Avec un règlement à T+1, peut-être faudra-t-il revoir la limite horaire d’acceptation des ordres, pour réussir à calculer la valeur liquidative dans les temps. » Un exemple qui démontre bien que les effets de bord d’un règlement accéléré ne se cantonneront pas aux seuls opérateurs de marché.
Avancer de concert
Ces messages, Gaël David les partage auprès des clients du métier titres de BNP Paribas. Il les porte également dans les groupes de travail et associations de place dans lesquels les experts de BNP Paribas sont impliqués, en France et en Europe. « Aux spécificités européennes s’ajoutent quelques particularités françaises. Or la France est un des plus importants marchés en Europe, il est donc essentiel de faire valoir notre voix. » Gaël David dirige ainsi le groupe de travail de l’association France Post-Marché dédié à T+1, qui se consacre au sujet depuis plus de deux ans. Il souligne l’importance de relayer les préoccupations de l’écosystème français au niveau européen et de le sensibiliser aux transformations majeures qui s’annoncent. Securities Services fait également le lien entre les différents marchés. Le groupe collabore avec les structures locales de tous les pays dans lesquels il est implanté, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, la Suisse… « L’écosystème entier est concerné par T+1, que l’on peut considérer comme une révolution. Le principal enjeu, qui nous concerne tous, sera notre capacité à agir de façon transverse, coordonnée et intégrée. »
[1] L’offre « Execution to Custody » de Securities Services permet la gestion du cycle de vie complet d’une transaction jusqu’au règlement et à la confirmation. Pour en savoir plus, contactez votre chargé de relation.