La digitalisation de la gestion du collatéral

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La gestion du collatéral s’engage sur la voie du digital. Lisez notre article pour en savoir plus sur le modèle CDM (Common Domain Model), la DLT[1] et les futurs impacts des actifs numériques sur la gestion du collatéral.

La gestion du collatéral s’est démarquée au cours des dernières années.

Les derniers processus encore gérés manuellement sont en train d’évoluer, contribuant à une meilleure fiabilité des données et une visibilité de bout en bout pendant le cycle de vie d’une opération.

Les épisodes de volatilité des marchés et les nouvelles obligations réglementaires ont mis la pression sur les systèmes et démontré la nécessité d’une infrastructure capable de gérer, de mobiliser et d’analyser l’inventaire du collatéral de manière efficace et flexible. Des efforts continuent d’être fournis par les acteurs du marché pour supprimer les points restant sensibles.

Le recours à l’innovation digitale est l’un des moyens de remédier aux limites et aux risques opérationnels et de réduire les inefficacités dans des domaines tels que l’évaluation des actifs, la fiabilité des données et la gestion des portefeuilles. La gestion du collatéral fait également sa transformation numérique : les titres digitaux pourraient être mobilisés sans les complexités associées aux titres traditionnels, tandis que les processus automatisés pourraient fluidifier les flux.

Selon Johann Palychata, Responsable des partenariats et des nouvelles plateformes chez Securities Services, le métier titres de BNP Paribas, il existe trois grands domaines qui méritent d’être explorés et où la digitalisation du collatéral et des processus pourrait « générer des gains d’efficacité majeurs pour le secteur à long terme ».

Un langage commun

Le premier domaine d’intervention est l’automatisation des processus opérationnels entre les contreparties. L’idée est de créer un nouvel ensemble de normes et d’outils afin que les parties puissent non seulement mieux communiquer entre elles, mais aussi améliorer la fluidité et la réactivité de leurs processus respectifs.

Certaines initiatives ont déjà été mises en œuvre depuis plusieurs années, et d’autres sont en préparation : le Common Domain Model (CDM), un modèle normalisé qui fournit une terminologie commune sur la façon dont les produits financiers sont négociés et gérés tout au long du cycle de vie d’une transaction.

Ce modèle est devenu d’autant plus pertinent avec l’introduction en 2016 du règlement européen relatif à la transparence des opérations de financement sur titres (SFTR), qui définit diverses exigences de déclaration pour les activités de financement de titres.

Dans le cadre des prêts de titres, le CDM est utilisé pour détailler le collatéral admissible et décrire ses caractéristiques, par exemple, le type et la description de l’actif, son échéance ou diverses notes de risque de crédit. Le CDM et la DLT pourraient être des alliés naturels : après tout, cette dernière s’appuie sur des données et des processus normalisés lorsqu’il s’agit de contrats intelligents.

« Nous étudions actuellement comment nous pouvons intégrer le CDM dans la prochaine génération d’outils et obtenir une représentation digitale en CDM des produits et des événements », explique Johann Palychata. « Pour l’instant, nous réfléchissons encore à la question du « où » : si l’on considère la conception d’applications, par exemple,  peut-on mettre à profit le CDM ? »

Devons-nous revoir la conception de nos outils existants et placer le CDM au cœur du modèle de données, ou l’utiliser comme une couche de traduction entre nos outils et ceux de nos contreparties ? Nous aurons peut-être une idée de la direction à prendre dans les mois à venir. Nous restons également attentifs aux nouveaux outils qui seront mis sur le marché et sur leur fonctionnement.

Un autre domaine dans lequel l’utilisation du CDM pourrait s’avérer prometteuse est la gestion des informations relatives à la transaction elle-même. L’objectif premier du CDM est de normaliser le format des données pour toutes les parties. M. Palychata note que le déploiement d’un CDM apporterait plus de transparence, faciliterait l’échange de données ainsi que l’interopérabilité entre les logiciels.

BNP Paribas travaille sur plusieurs initiatives avec ses clients pour définir ces nouvelles solutions digitales. Un projet en cours est un portail web et des outils supplémentaires pour gérer la matrice d’éligibilité du collatéral.

Des transferts fluides

Le deuxième domaine d’intervention est le développement de solutions visant à simplifier le mouvement du collatéral entre les agents tripartites et les dépositaires.

Une solution à ce problème serait de s’appuyer sur les technologies de registres distribués (DLT), qui utilisent des contrats intelligents (des automates qui exécutent des clauses prédéfinies). La technologie DLT pourrait avoir un impact sur l’activité marché et post-marché et modifier la manière dont les agents dépositaires et les dépositaires centraux de titres (DCT) gèrent et stockent les actifs.

Bien que la technologie existe depuis un certain temps, elle n’a été employée que récemment dans des scénarios pratiques. Dans le cas de la gestion du collatéral, la DLT pourrait comporter certains avantages car les titres sous-jacents n’auraient pas besoin d’être déplacés et resteraient disponibles à tout moment. Cela aurait également des effets positifs sur la surveillance et le rapprochement du collatéral, la transparence réglementaire et la gestion des coûts.

Securities Services est un investisseur dans la fintech HQLAx, aux côtés d’autres acteurs majeurs du secteur. L’objectif de la plateforme HQLAx est de favoriser la mobilité du collatéral entre les agents tripartites et les dépositaires sans que les titres sous-jacents ne soient déplacés.

« Cette technologie est fondée sur le concept d’interopérabilité entre les agents tripartites », explique M. Palychata. « Parce qu’elle met en œuvre des innovations comme la livraison titres contre titres (nommée en anglais DvD : Delivery vs Delivery), elle offre de réels avantages en matière de gestion des risques et de liquidité disponible pour une transaction. »

L’infrastructure existante des banques devra coexister avec des technologies plus récentes telles que la DLT pendant un certain temps, au moins jusqu’à ce que ces nouvelles technologies se généralisent. M. Palychata souligne que lorsque des solutions telles que celle développée par HQLAx seront plus largement utilisées, elles pourront avoir un « impact positif sur la liquidité intra journalière et plus généralement permettre aux institutions financières de réaliser des économies de capital ».

Le principal défi consistera à les adapter aux exigences réglementaires et opérationnelles

Un défi de taille

Le troisième et dernier domaine, et sans doute celui où il reste le plus à faire, est celui des actifs numériques.

« C’est encore un terrain relativement inexploré, mais c’est un sujet d’actualité pour tout le monde, en particulier du point de vue réglementaire », explique M. Palychata. Les autorités du monde entier, y compris dans l’UE, réglementent le secteur des actifs numériques.

Dans l’industrie, les projets s’attachent à définir précisément ce qu’est un actif numérique et comment il fonctionne en pratique. « De nombreuses discussions sont en cours sur la façon dont les actifs numériques doivent être conçus pour être utilisés comme collatéral. »

L’International Securities Lending Association (ISLA) a récemment annoncé qu’elle révisait son Global Master Securities Lending Agreement (GMSLA) pour y intégrer les actifs numériques. Elle a déclaré étudier ce qui devait être « étendu, ajouté ou modifié pour tenir compte des actifs numériques ». L’ISLA répertorie les actifs traditionnels tokenisés, les titres numériques natifs et les monnaies digitales comme des catégories d’actifs couverts par cette révision. De nouveaux cadres pour les actifs purement numériques pourraient également voir le jour.

En ce qui concerne l’émission, le règlement et la conservation de ces actifs, Securities Services travaille avec un certain nombre de partenaires de la fintech pour expérimenter la conservation d’actifs numériques et aider ses clients à émettre, transférer et conserver les actifs numériques réglementés aux côtés des actifs traditionnels. En juillet 2022, BNP Paribas a participé à une expérimentation consistant à soutenir le processus de règlement et de conservation d’une obligation numérique non cotée sur le marché français. Elle a également été chargée de sa distribution auprès des investisseurs.

Selon M. Palychata, le processus d’émission et de conservation arrive à maturité, et la voie est désormais ouverte pour étudier les cas d’utilisation et les processus de gestion du collatéral utilisant des actifs numériques.

« Il est important de maîtriser en premier émission et conservation avant de passer à l’étape suivante », dit-il. « Mais l’adoption des actifs numériques dépendra de la capacité à les utiliser à des fins plus complexes, par exemple en développant un marché de prêt-emprunt pour ces actifs ainsi que leur utilisation comme collatéral. »

Comme nous l’avons vu plus haut, le travail juridique est en cours, et d’un point de vue opérationnel, le gros du travail reste à faire. Les actifs digitaux reposent sur un processus spécifique, car ils sont enregistrés dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DLT). Leur règlement est également différent : le règlement traditionnel repose sur le système de règlement-livraison TARGET2-Securities (T2S). Les actifs traditionnels sont quant à eux enregistrés chez un dépositaire central de titres (CSD).

« Des processus normés pour déplacer les actifs numériques, gérer les opérations sur titres et assurer les obligations de contrôles sont des sujets sur lesquels l’industrie doit se pencher », déclare Johann Palychata. « Il reste à déterminer, par exemple, si les dépositaires fourniront une couche d’interopérabilité complète, pour traiter uniformément un actif numérique et traditionnel. »

[1] Distributed ledger technology (DLT) : technologie des registres distribués