En septembre 2020, la Commission européenne a introduit une proposition de règlement de l’Union européenne (UE) sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT), communément appelé Régime Pilote DLT. Il s’inscrit dans la stratégie en matière de finance numérique de la Commission européenne, dont l’objectif est de permettre et d’accompagner le développement de la finance numérique par l’innovation et la concurrence, tout en limitant les risques associés.
À propos du Régime Pilote DLT
Le Régime Pilote DLT consiste à développer des exigences harmonisées applicables aux acteurs du marché concerné leur permettant de bénéficier d’exemptions réglementaires et de ne pas tenir compte de certaines règles applicables en vertu de la législation européenne existante en matière de services financiers.
Objectifs du Régime Pilote DLT
Le Régime Pilote DLT, le Règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) et le règlement sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) sont des éléments essentiels du paquet de mesures sur la finance numérique de l’UE. Ainsi, ils partagent les mêmes objectifs :
- Garantir la sécurité juridique
- Soutenir l’innovation
- Protéger les droits des consommateurs
- Assurer la stabilité financière
En outre, le Régime Pilote DLT vise spécifiquement à faciliter l’expérimentation de la technologie des registres distribués en prévoyant des dérogations pour son utilisation dans la négociation et la post-négociation des actifs dans le champ. La phase d’expérimentation durera 6 ans, ce qui permettra de recenser les obstacles dans la réglementation et de recueillir de meilleures connaissances sur l’application et le développement de la technologie associée.
Champ d’application du Régime Pilote DLT
Actifs entrant dans le champ d’application du Régime Pilote DLT
Le champ d’application principal du Régime Pilote DLT est limité à une catégorie spécifique d’actifs. Contrairement au Règlement sur les marchés de crypto-actifs, qui concerne les crypto-actifs autres que ceux considérés comme des instruments financiers au sens de la MiFID II [article en anglais], le Régime Pilote DLT concerne les actifs considérés comme des instruments financiers au sens de la MiFID II (les « Instruments Financiers DLT »).
Instruments Financiers DLT
Afin d’être éligibles, les Instruments Financiers DLT doivent remplir certaines conditions.
- Instruments Financiers DLT de type action : l’émetteur de ces titres présente une capitalisation boursière inférieure à 500 millions d’euros
- Les Instruments financiers DLT de type obligations ou des instruments du marché monétaire dont le volume d’émission est inférieur à 1 milliard d’euros. Les obligations d’entreprise émises par des émetteurs dont la capitalisation boursière ne dépassait pas 200 millions d’euros au moment de leur émission seront exclues du calcul du seuil
- Les Instruments Financiers DLT de type parts d’organismes de placement collectif dont la valeur de marché des actifs gérés est inférieure à 500 millions d’euros
Par ailleurs, la valeur de marché totale de tous les instruments financiers DLT admis à la négociation sur une infrastructure de marché DLT ne doit pas dépasser 6 milliards d’euros au moment de l’admission à la négociation ou de l’enregistrement initial d’un nouvel instrument financier DLT.
Une fois que la valeur de marché totale de tous les instruments financiers DLT admis à la négociation ou enregistrés sur une infrastructure de marché DLT a atteint 9 milliards d’euros, l’exploitant de l’infrastructure de marché DLT sera tenu d’activer une stratégie de transition spécifique visant à réduire l’activité de négociation sur sa plateforme.
Infrastructures de marché DLT
La phase d’expérimentation proposée par le Régime Pilote DLT permet à certaines infrastructures de marché de demander des exemptions par rapport à différentes législations européennes applicables en matière de services financiers, notamment MiFID II et CSDR. [article en anglais]
Les infrastructures de marché DLT éligibles autorisées à bénéficier du régime temporaire d’exemption (« Infrastructures de Marché DLT ») peuvent être :
- un système multilatéral de négociation DLT (« MTF DLT ») consistant en un système multilatéral de négociation exploité par des entreprises d’investissement ou des opérateurs de marché autorisés en vertu de la MiFID II, sous réserve des règles énoncées notamment aux Articles 4 et 7 du Régime Pilote DLT ;
- un système de règlement DLT (« SR DLT ») consistant en un système de règlement des transactions sur Instruments Financiers DLT exploité par un dépositaire central de titres conduisant des opérations de règlement de titres en vertu du CSDR, notamment sous réserve des conditions des Articles 5 et 8 du Régime Pilote DLT ;
- un système de négociation et de règlement DLT (SNR DLT) exploité par une entreprise d’investissement, un opérateur de marché ou un DCT et combinant les activités d’un MTF DLT et d’un SR DLT.
Afin de donner effet au régime d’expérimentation, les Infrastructures de Marché DLT sont autorisées à demander une exemption temporaire à l’application de certaines règles qui ne sont pas compatibles avec l’utilisation de la DLT dans les phases de négociation et de post-négociation.
Concrètement et si certaines conditions sont remplies, le régime d’exemption permet aux Infrastructures de Marché DLT de limiter les obstacles incompatibles avec une DLT. Par exemple, un MTF DLT sera autorisé à ne pas tenir compte de l’Article 3(2) du CSDR [article en anglais] afin de permettre l’admission à la négociation de valeurs mobilières DLT qui ne sont pas inscrites auprès d’un DCT. Un SR DLT aura la possibilité de bénéficier d’exemptions opérationnelles pour certaines obligations existant en vertu du CSDR [article en anglais] (par exemple, l’enregistrement des titres, l’intégrité de l’émission, la séparation des comptes, le caractère définitif du règlement). Les exemptions seront proportionnées et limitées à l’utilisation spécifique de la DLT décrite dans le plan d’entreprise de l’Infrastructure de marché DLT.
Vue globale du dispositif sur la finance numérique
Implications pour le secteur du Régime Pilote DLT
Le régime d’exploration promu par le Régime Pilote DLT permettra aux autorités d’identifier les risques et de recueillir des expériences sur les opportunités créées par les crypto-actifs et les technologies sous-jacentes.
Régime Pilote DLT : rôle des autorités compétentes nationales
Les autorités compétentes nationales occupent une position centrale et ont un rôle actif à jouer dans ce contexte. Les exemptions permettant au Régime Pilote DLT d’être opérationnel dépendent de la capacité des autorités compétentes nationales à en faciliter la mise en œuvre. Cela peut également impliquer une adaptation des cadres juridiques nationaux existants afin de faciliter l’utilisation du Régime Pilote DLT. L’AEMF s’implique également pour garantir une convergence effective, la stabilité financière, l’intégrité des marchés ainsi que la proportionnalité des exemptions accordées par les autorités compétentes nationales.
Point de vue de Securities Services
Nous saluons cette initiative ainsi que l’orientation générale adoptée par la Commission européenne dans l’élaboration de la stratégie en matière de finance numérique de l’UE et, en particulier, du Régime Pilote DLT.
Le lancement d’une phase de test temporaire témoigne de la nécessité de concevoir, de manière pragmatique et prudente, de nouvelles règles facilitant le développement de la technologie des registres distribués. S’appuyer sur les règles existantes pour créer un nouveau cadre semble être une méthode appropriée pour éviter les incohérences avec les régimes préexistants et élaborer un modèle durable.
Les modèles d’entreprise devront sans aucun doute être adaptés. La capacité des acteurs des marchés financiers à jouer un rôle dans cette démarche de rupture dépendra essentiellement de leur capacité à adapter leur offre de services aux normes numériques nouvellement créées (compte tenu également des éventuelles normes techniques de réglementation à développer). Cela suppose aussi d’acquérir des connaissances techniques suffisantes dans un court laps de temps.
Dates à retenir pour le Régime Pilote DLT
24 septembre 2020 – Adoption par la Commission de la proposition de règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués
Février à avril 2021 – Avis du Comité économique et social européen, du Contrôleur européen de la protection des données et de la Banque centrale européenne
4 janvier au 4 mars 2022 – Appel à contributions de l’AEMF en vue d’une éventuelle modification des normes techniques de réglementation développées en vertu du MiFIR par rapport à la transparence pré- et post-négociation et la communication de données afin de les appliquer aux titres émis, négociés et inscrits grâce à la DLT [article en anglais]
13 janvier 2022 – Vote par la Commission des affaires économiques et monétaires du projet de réglementation après le trilogue
24 mars 2022 – Adoption par le Parlement de l’UE
23 mars 2023 – Entrée en application du Régime Pilote DLT
Note : cet article a été publié pour la première fois le 14 avril 2022. Sa dernière mise à jour date du 9 juin 2022